Bro

Il fait un retour dans mon esprit, au détour d'une conversation... Deux ans que je l'ai rencontré... Je trouve un emploi saisonnier pour quatre mois dans un établissement financier américain, à deux pas de chez mois, et voilà que m'accueille Monsieur Bertrand R.. Je dois bien avouer que quand la responsable m'avait annoncé son nom au téléphone, j'imaginais déjà le vieux banquier barbu, qui me ferait faire le tour officiel de la société, et m'inculquerait les rudiments du poste qui m'était destiné. Je suis arrivé au standard, me présente et en appelle à mon interlocuteur. Deux minutes plus tard, c'est un garçon d'une vingtaine d'années qui sort de l'ascenseur, le visage décoré d'un petit piercing discret mais élégant... Je dois bien avouer que j'ai été charmé... La formation se passe, agréablement, étant particulièrement réceptif je pense... Au détour d'une discussion plus amicale que professionnelle, j'apprends qu'il est homo... Et découvrant son mail personnel, je décide d'agir... en admirateur masqué... J'envoie un premier mail, que je signe du sobriquet de "Luv.boy", un pseudo qui m'est venu sur le moment... Il se prend au jeu, et nous nous lançons dans une relation épistolaire acharnée. Je crois qu'il n'est jamais arrivé aussi tôt le matin que pendant cette période où il voulait surveiller ses mails! Il se met aussi à en parler un peu avec nous au bureau... et je l'écoute de mon air le plus innocent! Finalement, après quelques jours (semaines?), je finis par lui laisser deviner mon identité... Je dois bien avouer que l'histoire de cette rencontre est sans doute l'une des plus belles, et des plus drôles aussi, que j'ai vécu... Parce que lui aussi s'était pris au jeu...

Je parle au passé? C'est vrai. Finalement, quand il a su que c'était moi, il ne l'a pas mal pris, et ça nous a même rapproché l'un et l'autre. C'est une période où j'ai aussi appris à mieux m'assumer, soutenu par sa présence, et vis-à-vis de quelques énergumènes pitoyables qui étaient nos collègues. On s'est rapproché, et on s'est mis à faire beaucoup de choses ensemble. Oui, j'ai l'impression d'avoir partagé tellement de choses avec lui! Lilo & Stitch, Ice Age, Le Second Harry Potter, c'était avec lui... Mais aussi Arack Attack et Bloody Mallory! (Franchement, c'était vraiment nul comme films, mais avec lui c'était tellement excellents!! On en a trop rigolé! lol). Et puis, ces dîners, ces ballades, ces discusions... J'ai appris à le connaître, je suis entré dans sa vie je crois, appris par sa bouche à connaître son frère, ses parents, sa vie, ses amis, ses envies... Evidemment, je rêvais sans doute de beaucoup plus, mais me satisfaisais en même temps de cette relation... Au début... Car ensuite je crois que je me suis fait plus envahissant... Trop sans doute... Un clash, qu'on parvient à surmonter... Et puis je pars faire mes études en Belgique... essaie de garder le contact, alors que mes sentiments n'ont pas changé... Et à nouveau j'en demande trop... Trop... En fait je demande seulement ce qu'il n'a pas envie de me donner, c'est tout naturel que ce soit trop pour lui, et un manque pour moi... Tout est relatif... Finalement, sans que je comprenne pourquoi, un jour, tout s'arrête. Il ne parle plus, il ne répond plus. Le temps passe. Je le recroise un jour, au hasard d'une ballade où je vais rejoindre... son meilleur ami, pour discuter! Rencontre donc, discussion, surprise et coïncidence (il sort alors avec l'ex d'un ami à moi). Il reste avec nous une bonne heure, puis nous abandonne. Je ne le reverrai plus.

C'est une relation qui m'a marquée. Sans doute mon premier ami homo, je veux dire, un vrai ami, quelqu'un que je côtoie, que j'apprécie, qui m'apprécie. Une rencontre qui n'a pas été commune non plus. Il est très différent de moi... Et à la fois il a une sensibilité qui m'a profondément touché. J'ai souhaité le revoir. Parfois, j'envoie un texto, ou téléphone directement, pour prendre des nouvelles... Le plus souvent, je n'ai qu'un long silence pour toute réponse. Je continue ma vie de mon côté, et puis un soir, envoie un autre message, au cas où, ce jour-là, il serait mieux disposé... Et puis aujourd'hui, je travaille avec quelqu'un qui le connaît (l'a connu), et me demande si je le vois encore... Non... Et lui non plus... Mais les nouvelles qu'il peut me donner son plus fraîches que les miennes. Quelques soucis (qui ressemblent tellement à Bertrand!), d'autres plus délicats dont il ne peut me dire la profondeur... Inquiétude. Oui, je l'ai pas vu depuis deux ans, et je m'inquiète parce qu'il y a quelques semaines, quelques mois peut-être, il a dû se prendre la tête pour une raison que j'ignore totalement. Et je me surprends à penser que j'aurais voulu être là pour lui. Aveuglement?... Non, espoir d'une affection que j'éprouve toujours.

Calvin & Hobbes... C'est grâce à lui que je connais! :)