L'indifférence meurtrière

Je regardais les infos ce midi... Depuis hier, le trafic des trains de la SNCF s'est retrouvé perturbé par la grève spontanée qui est née après le viol d'une contrôleuse dans un TER de Toulouse. La revendication est toujours la même, depuis des années: que les contrôleurs dans les trains soient au moins deux, afin d'éviter, ou à tout le moins limier les agressions. Globalement, le mouvement, s'il dérange forcément (puisqu'il n'y a plus de train) est compris par les usagers, devant lagravité des faits qui se sont produits. Pourtant, un témoignage m'a marqué. Une vieille dame, dans une gare, avec sa petite valise, qui rouspette gentiment devant la caméra contre la prise en otage inefficace des usagers... Ce qui en soit est un point de vue, c'est vrai...! Et puis de rajouter: "après tout, ça ne nous regarde pas...".

"Ca ne nous regarde pas." Cette phrase m'a vraiment touché. Une femme s'est faite violer alors qu'elle ne faisait que son travail, mais "ça ne nous regarde pas". Est-ce à dire que tout le monde devrait passer à côté sans réagir, ne pas chercher à empêcher ou au moins rendre plus difficile un autre évènement aussi dramatique?... "Ca ne nous regarde pas." Aujourd'hui, c'est le soixantième anniversaire de la libération des camps d'Auschwitz-Birkenau, où sont morts des Juifs, des Polonais, des homosexuels, des noirs, des prisonniers politiques. Les Juifs ont payé un tribut particulièrement lourd dans cette oeuvre d'horreurs, alors qu'une partie de la France a collaboré, et qu'une autre résistait à cette politique nazie terrifiante. Cependant, je ne peux pas m'empêcher de penser à ces autres Français, cette masse d'anonymes, qui a dû regarder les choses se faire, sans bouger, et pire, indifférents, et qui pensait: "Ca ne nous regarde pas."

Justement, tout ce qui se passe chez nous, et même ailleurs, ça nous regarde, n'importe quel drame humain nous regarde. Plus que des témoins, on devrait tous être acteurs, et penser à résister, ou à tout le moins comprendre ce qui s'est passé pour éviter une répétition tragique de tels évènements. Dans le même journal était invité Serge Bilé, l'auteur d'un livre Noirs dans les camps nazis, qui racontait justement que les camps de concentration, avant d'être construits en Europe, avaient existés dans une colonie allemande, aujourd'hui la Namibie, où les héréros ont été massacrés (de 80 000 quand les Allemands sont arrivés, il en restait 10 000 lorsqu'ils quittèrent le territoire). Sans doute le nombre de morts en Europe est-il plus impressionnant, mais ce qui est d'autant plus terrible, c'est que les camps de concentration en Namibie sont apparus dès 1904, dans l'indifférence générale du monde entier, qui sans doute se disait "Ca ne nous regarde pas". Quarante ans plus tard, le modèle était reproduit en Europe.